Le Lièvre et la Tortue est la dixième fable du livre VI du premier recueil des Fables de La Fontaine, édité pour la première fois en 1668. Elle est inspirée, comme souvent, des Fables d'Ésope.
Vous connaissez probablement la fin du proverbe “Rien ne sert de courir…” mais vous souveniez-vous qu’il venait du premier vers de la fable “Le Lièvre et la Tortue” ? Ce vers est mis au début du récit pour donner l’envie de lire au lecteur, de savoir ce qu’il va se passer...
Cette fable, comme “Le Corbeau et le Renard”, critique la vanité de l’homme (et la noblesse) par la mise en scène d’animaux dotés de parole (anthropomorphisme). La vanité est présente d’abord chez le lièvre (sûr de lui pour la course) mais également chez la tortue. En effet, c’est la tortue qui propose le pari fou et qui se moque du lièvre lorsqu’elle gagne. De plus, la morale nous dit autre chose : la persévérance paie (même sans les meilleurs atouts) alors qu’une prédisposition naturelle ne vaut rien si elle n'est pas exploitée. Comme dirait Fabien Olicard, le travail ne paie pas toujours mais la masse de travail si !
Version de Jean de La Fontaine (Le Lièvre et la Tortue)
Rien ne sert de courir ; il faut partir à point.
Le Lièvre et la Tortue en sont un témoignage.
"Gageons, dit celle-ci, que vous n'atteindrez point
Si tôt que moi ce but. - Si tôt ? Êtes-vous sage ?
Repartit l'animal léger :
Ma commère, il vous faut purger
Avec quatre grains d'ellébore.
- Sage ou non, je parie encore."
Ainsi fut fait : et de tous deux
On mit près du but les enjeux :
Savoir quoi, ce n'est pas l'affaire,
Ni de quel juge l'on convint.
Notre Lièvre n'avait que quatre pas à faire ;
J'entends de ceux qu'il fait lorsque prêt d'être atteint
Il s'éloigne des chiens, les renvoie aux calendes,
Et leur fait arpenter les landes.
Ayant, dis-je, du temps de reste pour brouter,
Pour dormir, et pour écouter
D'où vient le vent, il laisse la Tortue
Aller son train de sénateur.
Elle part, elle s'évertue,
Elle se hâte avec lenteur.
Lui cependant méprise une telle victoire,
Tient la gageure à peu de gloire,
Croit qu'il y va de son honneur
De partir tard. Il broute, il se repose,
Il s'amuse à toute autre chose
Qu'à la gageure. À la fin, quand il vit
Que l'autre touchait presque au bout de la carrière,
Il partit comme un trait ; mais les élans qu'il fit
Furent vains : la Tortue arriva la première.
"Eh bien, lui cria-t-elle, avais-je pas raison ?
De quoi vous sert votre vitesse ?
Moi l'emporter ! et que serait-ce
Si vous portiez une maison ?"
Version d’Ésope (la Tortue et le Lièvre)
Le Lièvre considérant la Tortue qui marchait d'un pas tardif, et qui ne se traînait qu'avec peine, se mit à se moquer d'elle et de sa lenteur. La Tortue n'entendit point raillerie, et lui dit d'un ton aigre, qu'elle le défiait, et qu'elle le vaincrait à la course, quoiqu'il se vantât fièrement de sa légèreté. Le Lièvre accepta le défi. Ils convinrent ensemble du lieu où ils devaient courir, et du terme de leur course. Le Renard fut choisi par les deux parties pour juger ce différend. La Tortue se mit en chemin, et le Lièvre à dormir, croyant avoir toujours du temps de reste pour atteindre la Tortue, et pour arriver au but avant elle. Mais enfin elle se rendit au but avant que le Lièvre fut éveillé. Sa nonchalance l'exposa aux railleries des autres Animaux. Le Renard, en Juge équitable, donna le prix de la course à la Tortue.