Dans quelle mesure apportez-vous de l’aide aux personnes en détresse que vous êtes susceptibles de croiser ? Pensez-vous que votre état d’esprit, vos croyances ou le temps dont vous disposez ont un impact sur cette action ?
C’est ce qu’ont voulu comprendre deux chercheurs américains des noms de John M. Darley (connu également pour ses recherches et la vulgarisation de l'effet du témoin) et C. Daniel Betson. Pour ce faire, ils se sont basés sur une parabole connue de la culture judéo-chrétienne : la parabole du Bon Samaritain. Rien ne nous oblige du tout à être croyant.e pour comprendre ce texte issu du Nouveau Testament. Voyons-le comme un texte avec un message.
Résumons-la rapidement : un homme voyage de Jérusalem à Jéricho. Sur le chemin, il tombe sur des brigands qui le volent et le rouent de coups en le laissant pour mort. Un prêtre qui descend par hasard voit l’homme mais ne s’arrête pas. Il est suivi d’un Lévite (membre de la tribu de Lévi, dans la religion judaïque), qui agit de la même manière. Leur succède un Samaritain (juif de Samarie), qui lui vient en aide et l’emmène ensuite dans une auberge sur sa monture pour le (faire) soigner.
Aux vues de cette histoire, le but des deux chercheurs était de comprendre ce qui motivait le Samaritain et les deux autres personnages. Ils ont donc émis 3 hypothèses :
Comment s’est déroulée l’étude ?
1ère étape : il a été demandé à des étudiants en théologie (études des questions religieuses qui se base sur les textes sacrés) de la Princeton Theological Seminary, soit une université privée dédiée à la théologie (à ne pas confondre avec l’Université de Princeton), de répondre à un questionnaire sur leurs motivations religieuses. Il était essentiel que ces derniers en aient, afin de valider - ou non - des hypothèses.
2ème étape : le lendemain, pour analyser la variable religiosité de l'étude, on leur demandait de préparer un oral de 3 à 5 minutes, qu'ils devaient enregistrer. Une partie des étudiants devait exposer ses projets professionnels en tant que séminariste. L’autre partie, quant à elle, devait donner son point de vue sur toute ou partie de la parabole du Bon Samaritain. Après ces exercices, on s'attendrait à ce que les étudiants qui ont planché sur leur vocation de religieux soient plus enclins à aider que ceux qui ont étudié un texte général comme la parabole.
3ème étape : enfin, pour analyser la variable temporelle, les mêmes étudiants ont été séparés en trois groupes. Les trois groupes allaient tomber sur une personne en détresse (pas une vraie, il s’agissait d’un acteur) entre le bâtiment A où ils se trouvaient et le bâtiment B où ils se rendaient. Une partie d’entre eux avait le temps de s’y rendre et était même "en avance", la deuxième, juste à l’heure, tandis qu’on avait dit à la dernière qu’elle était "en retard". C’est lors de ce transit d’un bâtiment à l’autre que leur aptitude à venir en aide à été testée.
Résultats
Parmi les étudiants qui étaient en avance, 63% ont porté assistance, 45% de ceux qui étaient juste à l’heure ont aidé, tandis que 10% de ceux qui étaient en retard se sont arrêtés. La deuxième hypothèse des chercheurs, soit celle selon laquelle le degré de précipitation d’une personne est déterminante dans sa décision d’aider une personne en détresse est donc clairement vérifiée. En gros : plus on est en retard, moins on s’intéressera à quelqu’un qui a besoin d’aide.
Par ailleurs, ceux à qui l’on avait demandé d’étudier la parabole du Bon Samaritain étaient 53% à s’arrêter, lorsque ceux à qui on avait demandé de parler de leur vocation de séminaristes étaient 29%. Cela tend à valider partiellement la première hypothèse des chercheurs (tout en restant prudent) : ce n’est pas parce que l’on est voué à la religion (et que l’on réfléchit à ses motivations religieuses depuis plusieurs heures afin d’expliquer sa vocation) que l’on est plus à même de s’arrêter que quelqu’un d’autre.
Enfin, rien n’a permis de confirmer la troisième hypothèse établie par John M. Darley et C. Daniel Betson. (C’était bien la peine qu’elle soit si compliquée à expliquer et à comprendre...)
En bref : l’hypothèse clairement vérifiée par les chercheurs, soit celle qu’il faut retenir de cette étude, c’est que le temps que l’on a devant soi est un facteur déterminant dans notre prise de décision et notre morale ! Alors, faites un petit effort à l’avenir et rendez le monde meilleur si vous le pouvez en aidant cette personne en détresse que vous croiserez, même si vous êtes en retard.
Pour plus d'informations, et si vous lisez l'anglais, nous vous invitons à lire l’étude originale "From Jerusalem to Jericho".